Le nationalisme intégral

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Du point de vue qui est le nôtre, du point de vue de l'Intérêt national, le système du pouvoir électif n'a pas réussi : depuis cent quarante ans, une nation qui a été faite par un pouvoir monarchique et héréditaire.

 

La Monarchie héréditaire a réussi dans l'oeuvre de l'ordre français.

 

Le système électif a échoué dans cette même oeuvre.

 

Pour reprendre cette oeuvre, pour la continuer, nous voulons donc reprendre le système qui a réussi.

 

Est-ce-clair  ?;

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La Monarchie héréditaire est en France la constitution naturelle, rationnelle, la seule constitution possible du pouvoir central.

 

Sans roi, tout ce que veulent conserver les conservateurs, ou défendre les patriotes, s'affaiblira d'abord et périra ensuite nécessairement, faute de principe générateur et de mainteneur tutélaire. Sans roi, tout le mal qu'ils veulent réformer durera, s'aggravera, ou, à peine pallié, à peine couvert, reparaîtra sous des formes équivalentes. Condition de toute réforme, la Monarchie est aussi le complément normal et indispensable : améliorez la République, vous la mettez en marche vers la Monarchie.

 

Je vois ces vérités, en étant le plus rapproché. D'autres qui avancent vers elles les verront mieux que moi demain.

***

Nous ne sommes pas un parti. Nous ne voulons pas dominer. Nous voulons la domination du salut public.

 

Il n'y a que le salut public qui puisse émouvoir, orienter les défenseurs d'un nationalisme intégral.

 

Il n'y a pas une vraie et une fausse doctrine nationaliste.

 

Il y a un nationalisme superficiel et peu conséquent, c'est le nationalisme républicain.

 

Il y a un autre nationalisme cohérent et complet, il sera facile de dire lequel.

 

Un des attributs capitaux de la doctrine du nationalisme complet, du nationalisme qui aboutit à la royauté, c'est de formuler des doctrines pures.

 

Les hommes d'État doivent chercher la conciliation entre les hommes et l'adaptation des idées aux faits : pour qu'une Politique soit juste dans son cours général, il faut qu'elle découle de principes rigoureux.

 

Tout ce que l'Empire eut de traditions saines se retrouve dans notre conception de l'autorité, comme ce qu'il y eut de républicain (selon M. de Bonald) au coeur de la vieille France reparaît dans notre sentiment de nos libertés.

 

Le républicain et le bonapartiste sont donc chez eux dans le Nationalisme intégral. Ils s'y complètent l'un l'autre, chacun abjurant ce qu'il y a dans sa thèse d'erroné et d'inexistant.

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Pour connaître une chose, il faut savoir le sens du mot qui la désigne, et l'origine de ce mot.

 

De quand date nationalisme  ?;

 

Du temps du boulangisme, ce vocable était inconnu. On disait parti national. Cependant le mot nationalisme existait. Mais il ne circulait que dans un monde assez restreint et dans une acception étroite.

 

Ceux de nos confrères qui s'occupent de politique extérieure en avaient le monopole. Ils parlaient des agitations nationalistes dans la monarchie austro-hongroise, du nationalisme serbe, bulgare ou albanais.

 

C'est Maurice Barrès qui détourna nationalisme de son sens européen. Il le fit dans un article qui parut au Figaro d'alors sous le titre «  La querelle des nationalistes et des cosmopolites  ».

 

Il n'y traitait point d'une querelle politique, mais d'un simple débat qui s'était élevé entre les poètes partisans de la tradition classique française et les romantiques admirateurs de Tolstoï, d'Ibsen et de Bjornsterne Bjornson. La transition du nationalisme littéraire au nationalisme politique était plus que facile.

 

Mais je crois bien que c'est encore à Maurice Barrès qu'il faut attribuer le passage.

 

Voilà pour l'histoire du mot.

 

Quant à la chose, elle s'explique plus simplement encore.

 

La France est aujourd'hui, et depuis 60 ans, la proie d'un parti politique. Ce parti, comme tous les partis, a, d'un côté, ses intérêts particuliers et, d'un autre côté, sa doctrine particulière.

 

Quand, d'aventure, les honnêtes gens du parti se trouvent nantis du pouvoir, il arrive que les intérêts du parti soient quelquefois sacrifiés à sa doctrine, d'ailleurs absurde.

 

Quand ce ne sont point les honnêtes gens qui gouvernent, ils se moquent de la doctrine comme de leur première chaussette, et les intérêts particuliers deviennent rois : du dernier des gardes champêtres et des maîtres d'école au premier magistrat de la République, tout est sacrifié aux intérêts électoraux du parti dominant.

 

De ces deux façons de gouverner, je ne sais la pire.

 

La doctrine républicaine, celle qu'appliquent les républicains honnêtes, conduit le pays à sa perte, car elle sacrifie continuellement le bien public à la commodité d'une entité : l'Individu.

 

Les intérêts républicains, ceux que servent les républicains malhonnêtes, accablent le pays d'une tyrannie d'autant plus insupportable que la rigueur n'en est même pas excusée par la raison d'État : raison de parti  !

 

De la sorte, les intérêts républicains sont en conflit constant avec les intérêts privés de chaque citoyen français et la doctrine républicaine constitue un danger mortel pour l'avenir de toute la nation.

 

Par cet exposé de la situation, on conçoit ce que représente le nationalisme.

 

Le nationalisme réagit contre l'égoïsme du vieux parti républicain, en même temps qu'il réagit contre l'indifférence de ce parti aux grands intérêts nationaux.

 

Un nationaliste conscient de son rôle admet pour règle de méthode qu'un bon citoyen subordonne ses sentiments, ses intérêts et ses systèmes au bien de la Patrie. Il sait que la Patrie est la dernière condition de son bien-être et du bien-être de ses concitoyens. Tout avantage personnel qui se solde par une perte pour la Patrie lui paraît un avantage trompeur et faux. Et tout problème politique qui n'est point résolu par rapport aux intérêts généraux de la Patrie lui semble un problème incomplètement résolu.

 

Le nationalisme impose donc aux intérêts divers qui sont agités devant lui un commun dénominateur, qui n'est autre que l'intérêt de la nation.

 

Il reste à faire l'analyse des intérêts ainsi dénommés, à voir comme, étant conciliables les uns avec les autres, il existe un point où les coordonner de façon rationnelle, naturelle et utile.

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Quand nous avons écrit, à l'origine même de nos travaux et de nos campagnes, que la Monarchie était le «  nationalisme intégral  », nous n'avons jamais voulu dire que ce fût un nationalisme sans règle ni frein. Au contraire, nous avons pris soin de nous expliquer aussitôt en disant que la Monarchie correspondait, trait pour trait, à tous les voeux, à tous les besoins, à toutes les tendances, à tous les intérêts moraux, politiques, économiques manifestés par les mouvements nationaux.

 

Nationalisme est antisémitisme  ?; La Monarchie pose la question juive et en montre les solutions pacifiques.

 

Nationalisme est antimaçonnerie  ?; La Monarchie veut «  séparer la F. M. de l'État  ».

 

Nationalisme est fidélité aux droits des familles françaises  ?; La Monarchie les synthétise et les incarne.

 

Nationalisme est tradition  ?; La Monarchie figure toutes les traditions historiques de la patrie.

 

Nationalisme est désir d'un pouvoir responsable et fort  ?; La Monarchie est le fondement même et aussi la perfection d'un pareil pouvoir.

 

Nationalisme est reconstitution de l'État  ?; La Monarchie et l'État se confondent.

 

Nationalisme tend à affranchir l'État de l'étatisme qui l'épuise et qui le distend  ?; La Monarchie se prononce énergiquement contre l'étatisme.

 

Nationalisme est régionalisme et décentralisation  ?; La décentralisation «  est une de nos doctrines  », ont répondu unanimement tous nos princes, favorables à l'autonomie de l'enseignement, comme aux franchises des communes et des provinces.

 

Nationalisme est protectionnisme  ?; La Monarchie ne se contente pas de protéger le produit, elle protège le producteur ...

 

Nationalisme..., il faut abréger l'énumération. On ne l'abrégeait pas en nos années organiques de 1897, 1898, 1899. Au lieu de vouloir ce programme par un accident de caprice et d'esprit de parti, le nationalisme intégral l'implique et l'appelle par nécessité intérieure et logique.

 

C'est par cette dialectique infatigable que l'on réussit alors à montrer à tant de nationalistes que l'expression commune de leurs postulats et de leurs tendances était dans la monarchie traditionnelle et héréditaire, antiparlementaire et décentralisée.

 

Il faudrait extraire et citer des volumes pour en donner les textes exemplaires : il suffit de relire la formule initiale : «  Le nationalisme intégral, c'est la Monarchie  » pour comprendre le sens du terme emprunté aux mathématiques.

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On défigure ce terme à plaisir.

 

Les métaphores tirées des sciences ne sont jamais d'une conformité absolue. On ne peut les superposer à leur point de départ concret. Mais elles ont l'avantage de stimuler la réflexion.

 

Quand nous disons de la même manière que la Monarchie est le lieu géométrique de toutes les questions, aspirations et réformes françaises, nous savons que les propriétés du lieu géométrique ne se vérifient que d'assez loin dans le tableau d'un système politique quelconque.

 

Cependant, l'analogie est suffisante pour provoquer les efforts d'attention et de réflexion qui permettent d'appréhender objectivement une vérité politique concrète qui y correspond.

***

Tout ce qui se fait dans le sens national, se fait dans le sens de la royauté. Les royalistes ont, dès lors, à s'employer au succès du nationalisme. Ils en ont le devoir.

 

Comme si l'ennemi était à la frontière, ils doivent seconder les défenseurs de la nation.

 

Servir leur Roi, c'était jadis se rendre utile à la Patrie; aujourd'hui, renversant les termes, se rendre utile à la Patrie, c'est proprement servir la cause du Roi.

***

Nous sommes devant la France à peu près dans la même situation que le bon Plutarque devant sa chère ville de Chéronée. La France diminue, nous ne voudrions pas la diminuer encore en diminuant la considération qui s'attache à de bons Français, même obstinés dans l'erreur politique la plus complète.

 

Les amis de Déroulède purent former un parti ou une faction, nous ne fûmes ni une faction ni un parti. La cause de la royauté comprend toutes les bonnes causes en ce que chacune représente d'utile au bien général du pays.

 

C'est pourquoi, de tout temps, le personnel de la royauté restaurée nous parut comprendre, coûte que coûte, aussi bien qu'un Drumont ou qu'un Lemaître, un Déroulède.

 

Nous n'offenserons pas la modestie des contemporains que nous jugerions dignes du même traitement. Mais, sans les compromettre, disons qu'ils existent et sont nombreux.

 

Conformément à leur formule du nationalisme intégral, les royalistes tendent à faire de leur groupe le rendez-vous normal de l'élite des bons Français.

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