Les rois, pères de la patrie

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Nos raisons pour la monarchie

Les rois, pères de la patrie

Notre France est une oeuvre d'art. C'est une oeuvre d'art politique, née de la collaboration d'une nature favorable et d'une pensée dirigeante. D'autres nationalités doivent beaucoup plus que la nôtre à la nature. La forme de la Grande-Bretagne présumait et fondait le Royaume-Uni. En Allemagne agissait la langue. L'Italie, avant d'être un État, formait déjà un peuple. Chez nous, la France était possible, la Gaule et Rome l'avaient esquissée, mais l'invasion scandinave et l'anarchie féodale menaçaient de tout effacer à jamais lorsque surgirent les admirables chefs capétiens qui, aidés de l'Église, sauvèrent tout d'abord le fragile germe existant, puis en tirèrent la première Unité politique de la chrétienté et du monde.

 

Il y a de grands hommes qui firent oeuvre merveilleuse, mais caduque, il n'en reste que gloire : je n'ai pas besoin de vous citer Napoléon. Il y a des héros qui fondèrent leur dynastie et enchaînèrent notre gratitude par leurs bienfaits. Clovis, qui aurait pu nous laisser ariens, nous faisant catholiques, nous rattacha à toute la tradition religieuse et civile préexistante; les Pépins et les Charles arrêtèrent le flot sarrasin. Mais une décadence rapide eut raison de leurs successeurs sinon de leur oeuvre.

 

Le chef-d'oeuvre capétien dura. Il accomplit, il acheva l'harmonie de l'oeuvre et de ses auteurs, la race créatrice et l'édifice créé. Certes, l'ensemble de la nature française correspondait au labeur capétien et le secondait, on peut le dire, de tout son coeur. Mais que de détails ennemis, que d'accidents, que de déchirures inévitables, qui ne furent pas évités; et, à chaque malheur, il semblait qu'une voix secrète redît à chaque roi le «  mon fils, il faut recoudre  » de Catherine de Médicis. Et le roi de France, immortel et infatigable, recommençait, tantôt à reprendre le terrain qu'il avait perdu, comme après la prison de Jean le Bon ou la folie de Charles VI, tantôt, après telle ou telle faute commise, à la réparer jusqu'aux plus amples satisfactions, comme dans la lutte contre la maison d'Autriche. Il règne, mais l'idée de ses Pères règne sur lui. Il travaille à conduire la Gaule de Jules César à ses frontières naturelles. Tantôt il assimile avant de conquérir. Tantôt la parcelle conquise est soumise à un patient effort d'assimilation avant qu'il entreprenne de conquête nouvelle. Tel est l'art, telle est la discipline constante de ces quarante rois. Les petits traits particuliers se fondent tous dans ce trait commun de ne pas oublier leur fonction d'assembleurs de la terre française. Un roi débauché nous vaut la Lorraine, et le plus grand de tous, celui d'entre eux auquel on a le plus reproché, parce qu'il fascina et ensorcela son époque, celui qui expira en se reprochant d'avoir trop aimé la guerre, Louis XIV se garde pourtant de l'erreur de trop saisir pour mieux retenir : il évite de prendre cette ligne du Rhin sur laquelle la Révolution et Napoléon crurent s'installer.

 

Pères de la patrie  ! Que sont devenues nos affaires depuis nos parricides répétés en cent ans de révolution  ! Nous savons ce qui s'est fait (tout seul, l'admettons-nous  ?;) quand ils étaient là. Regardez ce qui s'est défait en leur absence, Louis XVI nous laissait une armée et une marine incomparables; Charles X une brillante situation en Europe et l'Algérie; Louis-Philippe, le bel instrument militaire créé par la loi de 1832. Ils tombent et, depuis, nous tombons. Des catastrophes inouïes nous harcèlent et nous épuisent. On parle de Pavie (bien au-delà des Alpes), On parle de Rosbach (au fond des Allemagnes). Qu'est-ce auprès des trois entrées de l'étranger dans Paris, en 1814, en 1815, en 1870  ?; Qu'est-ce auprès de la Constitution unitaire donnée à deux grands empires de cette Europe que nos rois maintenaient divisés ou fédéraient autour d'eux : l'Allemagne, maîtresse du monde, et l'Italie nous disputant l'Orient latin  ?; Qu'est-ce auprès de la guerre civile, érigée, exaltée, couronnée, légalisée, constitutionnalisée sous le sobriquet de Bien public ou de Paix publique ?; Ce gouvernement des partis, c'est-à-dire de partage et de division, peut dresser les statues à ses chefs de faction : tout le monde comprend qu'il tente ainsi de recouvrir en les honorant l'antique folie gauloise et ses tumultes vains.

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Une certaine société politique appelée la France a donc été créée par ses rois, les rois de la troisième race.

 

On a vu notre gratitude des services de Clovis et de Dagobert. L'homme de génie qui demanda et reçut le baptême catholique, au lieu du baptême arien propre aux autres Barbares, décida de la civilisation en Occident. Mais, pour une cause ou une autre, ses descendants se trouvèrent au-dessous de la situation que créait l'invasion sarrasine et, alors, le pouvoir allant à qui pouvait, ce fut le tour de Charles et des Pépins.

 

D'autres causes, entre lesquelles il faut compter la pratique du régime électif, ayant amené la déchéance de la race de Charlemagne, ce que le géant avait réuni ne fut pas maintenu et, les Carolingiens ne sachant même pas défendre leur domaine contre l'invasion scandinave, il parut une race meilleure, dont le chef s'appela précisément le Fort.

 

Non parce qu'il était fort, mais parce que sa force était bienfaisante, tout le monde eut recours à lui et aux siens dans la nécessité.

 

La carence du pouvoir ressemble à la vacance d'un champ. Le prend qui veut, le tient qui peut. Le fait capital de l'avènement des Capets, ce ne fut pas la reconnaissance de leur pouvoir, ce fut ce pouvoir même : défenseur, organisateur, bienfaiteur.

 

Ce que nous nommons France est né de l'organisation capétienne. La confection séculaire du territoire est le symbole de la longue élaboration intellectuelle et morale dont ils furent les initiateurs et les guides. Notre patrie était avant eux un possible; les éléments en étaient prêts. Assemblés sous leurs mains, ces éléments ont commencé à se disjoindre quand les nobles artistes ont cessé de pouvoir diriger le travail. Ils n'avaient certes pas été à l'abri des accidents qui frappent la faiblesse humaine. Mais toutes les pertes qu'ils avaient faites de ce chef aux XIIIe et XIVe siècles, et au XVIe encore, avaient été suivies de réparations exemplaires. Toutes les fois que notre ingratitude les a détrônés (1789, 1830, 1848), le pays était compact et puissant : l'Europe ennemie vivait dans la division où leur politique traditionnelle l'avait placée.

 

Maintenant nous sommes aux prises avec deux ou trois concurrences ou inimitiés européennes formidables.

 

Et la faiblesse intérieure de notre État le met aux prises avec une véritable féodalité d'intérêts coalisés contre lui.

 

Les souvenirs de Rome ont fait l'unité italienne. La réalité de la race et de la langue germaniques, unie aux traditions de Charlemagne et du Saint-Empire, a fait l'unité allemande. L'unité britannique est résultée de la condition insulaire. Mais l'unité française, oeuvre de politique, de la plus souple, de la plus longue et de la plus ferme politique autoritaire, résulte et résulte exclusivement de desseins continués pendant 1.000 ans par la Maison de France. Cette unité, si solide qu'elle «  semble  » aujourd'hui spontanée et naturelle, est l'oeuvre directe de ces Princes. La nature s'était contentée de rendre cette unité possible, non nécessaire, non fatale : les rois l'ont formée et façonnée comme un artiste donne un tour personnel à quelque matière choisie.

 

Dynastie véritablement «  terrienne  » et «  paysanne  », puisqu'elle a arrondi sa «  terre  » et composé notre «  pays  », mais dont on ne peut dire au juste si c'est l'audace ou la sagesse qui l'ont mieux caractérisée  !

 

Bien que partie d'un certain point du pays, cette dynastie populaire et militaire s'est peu à peu étendue jusqu'aux confins de l'ancienne Gaule; sa tradition s'est amalgamée à toutes les nôtres. Les libertés que nous ont fait perdre cent trente ans de césarisme et d'anarchie sont celles que nos pères conquéraient autrefois sous le règne des Capétiens et que ceux-ci reconnaissaient en de solennelles consécrations. La royauté et les libertés sont mortes ensemble. Tout annonce qu'elles devront renaître de concert.

 

Il est une France «  idéale  », disent, dans leur mauvais langage, les rhéteurs, d'origine anglaise, allemande, helvétique, qui président à l'Église républicaine. Nous sommes citoyens d'une France réelle. Par la France, nous entendons une réalité plus chère et plus belle que tout, et non une idée nuageuse. «  Pulcherrima rerum  », comme disait de sa propre patrie le Romain : nous entendons le sol et ses variétés, le sang et ses riches nuances, les traditions, les intérêts, les sentiments. Nous songeons aux maisons, aux autels, aux tombeaux où dorment de saintes dépouilles. Cette France réelle, étant ce qu'elle est et ayant besoin de la Monarchie, postule, par définition, ayant été ce qu'elle fut, la Monarchie du chef de la Maison de France. Celui-ci, étant ce qu'il est, correspond à ces convenances et à ces nécessités. Le peuple est prêt à le sentir. Puissent les esprits cultivés reconnaître ce rapport naturel d'une grande nation et d'une longue souche de princes, en se rendant enfin à la formule de notre avenir national :

 

«  - Ce que nos ancêtres ont fait par coutume et par sentiment, le poursuivre nous-mêmes avec l'assurance et la netteté scientifiques, par raison et par volonté.  »

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