L'ordre
Comme il ne saurait exister de figure sans le trait qui la cerne et la ligne qui la contient, dès que l'Être commence à s'éloigner de son contraire, dès que l'Être est, il a sa forme, il a son ordre, et c'est cela même dont il est borné qui le constitue. Quelle existence est sans essence ? Qu'est ce que l'Être sans la loi ? A tous les degrés de l'échelle, l'Être faiblit quand mollit l'ordre ; il se dissout pour peu que l'ordre ne le tienne plus.
L'ordre n'est qu'un moyen. C'est un point de départ. Rétablir l'ordre restitue une atmosphère favorable à l'action de l'esprit comme à celle du corps. Cet ordre rend l'oeuvre possible ou meilleure. Il lui garantit la durée, lui fournit des auxiliaires ou des protecteurs.
La règle humaine ne consiste pas à tuer, à détruire, ni à anéantir le sujet qu'elle doit, au contraire, développer en le maintenant dans sa voie.
Nécessité de subordonner pour coordonner et pour ordonner, il n'y a point de faribole d'orateur qui puisse aller contre cette mathématique !
Se conformer à l'ordre abrège et facilite l'oeuvre Contredire ou discuter l'ordre est perdre son temps.
L'ordre, on l'a dit, est une justice supérieure.
Pour l'ordre historique et politique, avoir n'est rien, si l'on n'est en mesure de garder aussi.
A la guerre comme dans la paix, l'ordre est précieux entre tous les biens. Avec sa fausse dureté, avec sa rigueur apparente, il économise les existences, comme il mesure et utilise les efforts.
Le soldat qui se plaint de l'ordre est ennemi de lui même. L'aveugle bonté qui fait chorus avec ce soldat est une ennemie du soldat. Ennemie inconsciente et involontaire ; qu'importe l'intention si elle renvoie à la mort ?
Justement parce qu'il est ingrat et léger, parce que l'oubli et l'instabilité lui sont ordinaires, l'homme s'est aperçu de bonne heure qu'il lui faut rechercher, dans le Temps qui change sans cesse, des points de repère immobiles, d'invariables points d'appui, toutes les fois qu'il tient à réaliser un dessein de quelque importance, qu'il veut être fidèle à son but et à son amour.
J'écris à dessein ce dernier mot, qui n'exprime que le sentiment des personnes ; car si les passions fortes ont leurs rites anniversaires, si un retour de certaines dates entraîne un retour naturel de la pensée sur les mystères douloureux ou joyeux de la vie du coeur, à plus forte raison, quand il ne s'agit plus d'un seul être, mais d'une société, d'une religion, d'une cause, sera t il nécessaire d'éterniser à leurs dates les souvenirs heureux ou funestes.
N'OUBLIER PAS : c'est le point de départ de tout ordre et de toute loi.