Préface de l'édition de 1827

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La Monarchie selon la Charte est divisée en deux parties, ainsi que je l'ai déjà dit dans ma préface générale : la partie théorique est maintenant indépendante de celle qui n'avait rapport qu'aux circonstances du moment.

La publication de La Monarchie selon la Charte a été une des grandes époques de ma vie : elle m'a fait prendre rang parmi les publicistes, et elle a servi à fixer l'opinion sur la nature de notre gouvernement. Je ne cesserai de le répéter : hors la Charte point de salut. C'est le seul abri qui nous reste contre la république et contre le despotisme militaire : qui ne voit pas cela est aveugle-né.

Comme ce qui m'arrive ne ressemble à rien, La Monarchie selon la Charte me fit ôter une place obtenue à Gand, et réputée jusqu'alors inamovible. Ce que je regrettai, ce ne fut pas cette place : ce fut la vente de mes livres, forcée par ma nouvelle situation, et surtout de la petite retraite que j'avais plantée de mes mains et acquise du fruit des succès du Génie du Christianisme . L'homme de vertu qui a depuis habité cette retraite m'en a rendu la perte moins pénible. Mais il n'est pas bon de se mêler, même accidentellement, à ma fortune : cet homme de vertu n'est plus.

J'ai eu l'honneur d'être dépouillé trois fois pour la légitimité : la première, pour avoir suivi les fils de saint Louis dans leur exil ; la seconde, pour avoir écrit en faveur des principes de la monarchie que le roi nous avait octroyée ; la troisième, pour m'être tu sur une loi funeste, et pour avoir contribué à maintenir l'Europe en paix pendant cette campagne si glorieuse pour un fils de France, et qui a rendu une armée au drapeau blanc.

Les bourreaux qui avaient tué mon frère ne m'ont pas laissé mon patrimoine : c'est dans l'ordre ; mais je ne puis m'empêcher d'engager les ministres futurs à se défendre de ces mesures précipitées, sujettes à de graves inconvénients. En me frappant, on n'a frappé qu'un dévoué serviteur du roi, et l'ingratitude est à l'aise avec la fidélité ; toutefois il peut y avoir tels hommes moins soumis et telles circonstances dont il ne serait pas bon d'abuser : l'Histoire le prouve. Je ne suis ni le prince Eugène, ni Voltaire, ni Mirabeau ; et quand je posséderais leur puissance, j'aurais horreur de les imiter dans leur ressentiment. Mais comme j'ai eu lieu de connaître mieux qu'un autre le mal que font à mon pays les divisions et les injustices, j'exhorte les hommes en pouvoir à les éviter. Il y a quelques mois que je me serais bien gardé de faire ces réflexions, dans la crainte qu'on ne les prît ou pour la menace de la forfanterie, ou pour le regret de l'ambition, ou pour la plainte de la faiblesse : on ne les saurait considérer aujourd'hui que comme un conseil aussi important que désintéressé.

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