La démocratie

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La démocratie est le gouvernement du nombre.

 

Et, dès lors, il n'y a pas de démocratie, il n'y en a jamais eu; nulle part, en aucun temps, n'a pu exister le gouvernement de tout le monde par tout le monde.

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On appelle encore démocratie l'état social démocratique - un état égalitaire de la société dans lequel les différences de classes seraient inexistantes, ou censées abolies.

 

On appelle enfin démocratique un ensemble d'idées et un corps d'institutions ou de lois, tendant soit à l'impossible gouvernement du nombre, soit au chimérique état égalitaire de la société.

 

Notre République est démocratique en ce sens qu'elle a la démocratie pour idée directrice et pour fin, lointaine ou prochaine. Elle tend ainsi et ne peut tendre qu'à niveler le pays et à le dissoudre.

 

Chemin faisant, elle l'abrutit.

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La démocratie n'est pas un fait. La démocratie est une idée. Cette idée inspire des lois. Et ces lois et ces institutions se révèlent de jour en jour plus désastreuses, destructives et ruineuses, plus hostiles aux tendances naturelles des moeurs héréditaires et des coutumes d'un grand peuple, au jeu spontané des intérêts et au développement du progrès. Pourquoi  ? Parce que l'idée démocratique est fausse, en ce qu'elle est en désaccord avec la nature. Parce que l'idée démocratique est mauvaise en ce qu'elle soumet constamment le meilleur au pire, le supérieur à l'inférieur : au nombre la qualité, c'est-à-dire la compétence et l'aptitude.

 

Les défenseurs de la démocratie, ceux qui ne manquent point tout à fait de sens et d'intelligence, sont des mystiques : leur opinion ne se soutient que par un mélange de rêveries et d'impulsions véritablement subjectives. Ni l'histoire des hommes, ni l'étude de leur nature ne permettent d'adhérer au démocratisme, comme à un principe supérieur.

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Si je croyais que le principe politique qui exclut des sociétés prospères ou seulement viables le régime démocratique, si je croyais que l'axiome, la démocratie, c'est la mort, datait seulement de deux siècles, ou quatre, ou de dix, je n'y aurais qu'une confiance assez relative. Mais le fait est qu'il est beaucoup plus ancien. Cela est contemporain de la première forme du premier couple humain qui ait laissé son vestige apparent. Et cela est plus ancien encore. La nature des choses a fait de l'inégalité la condition même de la vie, de l'ordre, du progrès.

 

Quand un atome aventureux se précipita sur deux autres, se les assujettit ( le tyran !), et cria : je veux deux, et chacun de vous ne vaut qu'un, mais de la combinaison où je vous emploie, vont naître des réalités nouvelles et des biens nouveaux pour nous trois  ! Ce jour-là, au mépris de la stable, morte et froide égalité numérique, un premier pas fut fait dans la haute contexture du monde, dans son progrès, mais, par là même, dans une voie d'aristocratie.

 

Tout ce qui réussit, tout ce qui ne demeure pas dans un chaos de suspension et d'indécision, tout équilibré un peu réel, toute paix un peu prolongée et, en politique, tout état de non-anarchie, tout ce qui ne ressemble pas à la vie politique des Français du siècle passé et aussi du temps où nous sommes, tout bonheur solide et tout succès durable révèle à l'analyse ou raconte à l'histoire une période de lutte, lutte guerrière ou pacifique, lutte généreuse ou furieuse, mais terminée, mais couronnée par l'établissement en quelque sorte naturel des supériorités et des infériorités légitimes. Le Soleil s'éteindra avant qu'il ait cessé d'en être de la sorte.

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