Chapitre XXVIII

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Chapitre XXVIII Qui découle du précédent

Un tel ministre aura assez d'esprit pour bien connaître celui des chambres, et toutes les chambres n'ont pas la même humeur, la même allure.

Aujourd'hui, par exemple, la chambre des députés est une chambre pleine de délicatesse : vous la cabreriez à la moindre mesure qui lui paraîtrait blesser la justice ou l'honneur. Ne croyez pas gagner quelque chose en engageant dans vos systèmes ses chefs et ses orateurs, elle les abandonnerait : la majorité ne changerait pas, parce que son opposition est une opposition de conscience, et non une affaire de parti. Mais prenez cette chambre par la loyauté, parlez-lui de Dieu, du roi, de la France ; au lieu de la calomnier, montrez-lui de la considération et de l'estime, vous lui ferez faire des miracles. Le comble de la maladresse serait de prétendre la mener où vous désirez en lui débitant des maximes qu'elle repousse.

Pensez-vous qu'il soit nécessaire de lui faire adopter quelque mesure dans le sens de ce que vous appelez les intérêts révolutionnaires , gardez-vous de lui faire l'apologie de ces intérêts : dites qu'une fatale nécessité vous presse ; que le salut de la patrie exige ces nouveaux sacrifices ; que vous en gémissez ; que cela vous paraît affreux ; que cela finira. Si la chambre vous croit sincère dans votre langage, vous réussirez peut-être. Si vous allez, au contraire, lui déclarer que rien n'est plus juste que ce que vous lui proposez, qu'on ne saurait trop donner de gages à la révolution, vous remporterez votre loi.

Un ministre anglais est plus heureux, sa tâche est moins difficile : chacun va droit au fait à Londres, pour son intérêt, pour son parti. En France, les places données ou promises ne sont pas tout. L'opposition ne se compose pas des mêmes éléments [ Réflexions politiques . (N.d.A.)] . Une politesse vous gagnera ce qu'une place ne vous obtiendrait pas ; une louange vous acquerra ce que vous n'achèteriez pas par la fortune. Sachez encore et converser et vivre : la force d'un ministre français n'est pas seulement dans son cabinet : elle est aussi dans son salon.

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