Le roi conserve et contrôle

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Pour signifier le Roi, King, Koning, Kœnig, Canning, ces mots veulent dire le Fort, le Puissant en allemand et en anglais.

 

Par tout pays où sonne le nom latin, Roi ou Rex signifie celui qui conduit, qui dirige; à l'idée de la force, est associée l'idée du savoir, pour former une sorte de génie intellectuel, une puissance de lumière, un sacerdoce de sagesse. Le Basileus de Grèce, signifie de même celui qui va en tête du peuple, qui marche et fait marcher, celui qui dirige, le principe d'ordre et de mouvement. Les deux civilisations opposées, ou, pour parler plus net, la civilisation helléno-romaine et la barbarie germanique ne se montrent point mal dans ce petit contraste de vocables.

 

Il est d'ailleurs assez curieux que, dans l'enquête universelle menée par Frazer et par ses disciples, l'idée générale du Roi et des origines de la royauté ne se réduisent pas à l'idée de la puissance ou de la force pure mais comprend une allusion religieuse ou superstitieuse qui se ramène à celui qui sait ou qui communique avec l'au-delà : savant, prêtre, sorcier.

 

Alors, l'obsession de la puissance serait-elle une sorte de caractéristique particulière aux Germains  ?; L'hérésie, le schisme germains n'existeraient-ils pas seulement par rapport au monde gréco-romain, mais au genre humain tout entier ?;

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Protéger le travail des fractions obscures et énergiques de la masse populaire au moment où elles étaient en voie de s'organiser, c'était le rôle naturel d'un vrai roi; mais défendre le droit acquis, respecter les organisations florissantes, en empêcher la brusque disparition, c'était une autre partie du devoir royal.

 

Les grands princes ont maintenu l'ordre en favorisant ce progrès. Par système ou par instinct, il importe peu : c'est du moins ainsi que leur pouvoir a duré.

 

S'ils s'étaient agrégés sans réserve aux pouvoirs qui coexistaient avec le leur, ils auraient été absorbés par eux, auraient décliné avec eux.

 

S'ils s'étaient adonnés à la destruction systématique des aristocraties qui entouraient la leur, l'Église, par exemple, ni la féodalité ne les auraient laissés vivre : comme tant d'autres tyranneaux de l'Italie, apportés par une Révolution, ils auraient été emportés par une autre Révolution.

 

L'art supérieur du vrai roi consiste à n'abaisser dans les oligarchies qui sont opposées à lui que ce qui s'oppose au bien public et à l'avenir national, à maintenir sévèrement l'ordre pour tout le reste et, en vue de ménager des appuis à sa dynastie ainsi que des réserves à la nation, à favoriser de toutes ses forces l'organisation des éléments populaires sur lesquels il s'est appuyé pour gagner le trône.

 

Ainsi, fils aîné de l'Église, tuteur et promoteur de toute l'organisation militaire, défenseur de la propriété individuelle, oui sans doute mais protecteur de ces syndicats agricoles et de ces corps de métiers qui sont la grande espérance de l'avenir, le tout sous la réserve du maintien d'un ordre absolu, voilà les titres légitimes du futur Roi de France.

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La conservation de leur vie, de leur gloire et de leur héritage se confond, dans la psychologie naturelle des rois, avec la conservation de l'État.

 

Ils sont intéressés, comme pères, à ce que l'État leur survive et, de fait, leur État n'a gravement succombé qu'une seule fois depuis 987 jusqu'à 1793. Mais depuis 141 ans que le régime électif est officiellement établi parmi nous, ce ne sont que chutes, révolutions, désastres, dont les responsabilités sont divisées tout à la fois dans l'étendue et dans la durée : divisées dans l'étendue, puisqu'elles se partagent entre les chefs élus, leur parlement et l'opinion de tout le peuple; divisées dans la durée, puisque, en tant que responsabilité politique, elles se limitent aux individus sans se continuer dans une descendance.

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Le lion qui s'en allait en guerre utilisa le lièvre, quoique toujours tremblant, et l'âne tout stupide. Pourquoi le Roi de France, remettant chacun à sa place, ne tirerait-il de chacun un bon parti  ?;

 

Le pouvoir royal, par sa masse et sa force, limite les ambitions, modère les compétitions : mais toutes les parties désintéressées et généreuses du peuple, toutes celles qui ont le sentiment du bien public, doivent aussi commencer par neutraliser et placer au-dessus de toutes les contestations imaginables, la race et la personne dans lesquelles vit l'Etre durable et intangible de la Nation.

 

La royauté, répétons-nous, est une institution telle que toute force nationale y est employée à sa valeur, presque sans déperdition, de manière à donner le maximum du rendement.

 

DANS UNE PRUSSE RÉPUBLICAINE, il y aurait eu de grandes chances pour Bismarck, Moltke et Roon ne fissent la guerre; en ce cas, la Prusse eût valu ce que valait le parti de l'un de ses hommes, du vainqueur, moins ce que valait la somme de chacun des partis vaincus.

 

AVEC LA ROYAUTÉ, la Prusse a valu = Bismarck, plus Roon, plus Moltke, plus l'effet multiplicateur de leur bonne harmonie établie tant par la fonction que par la haute valeur personnelle du roi.

 

Ni Guillaume Ier, ni Louis XIV, n'ont été des princes médiocres, et cependant l'historien politique ou le politique philosophe est tenté de penser que la nature de leur pouvoir valait encore mieux que la façon dont ils l'exercèrent : même en eux, la monarchie était encore supérieure aux monarques.

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Le contrôle parlementaire est de sa nature une plaie, mais les administrations techniques (celles surtout dont la mise à l'épreuve ne se fait que de loin en loin, en cas de guerre, par exemple) veulent, appellent, exigent un contrôle d'une autre sorte : contrôle personnel et compétent exercé au nom d'une haute spécialité permanente appliquée à la direction générale du pays, la spécialité du commandement.

 

On est donc placé entre le contrôle du Roi ou pas de contrôle du tout.

 

Le contrôle parlementaire a conduit à la ruine systématique, à la destruction, faite de main d'homme, de l'armée et de la marine par les Waldeck-Rousseau, les Reinach, les Clémenceau, les André, les Pelletan et leurs complices.

 

L'absence de contrôle aboutit aux plus extraordinaires et aux plus tragiques mécomptes.

 

Le contrôle royal aboutit autrefois à la construction de la France et, de 1814 à 1848, au maintien des conditions de son salut.

 

Le Roi est le contrôleur naturel. Il est le seul discret, le seul puissant, le seul durable, le seul efficace. Son intérêt déterminant n'est pas de faire du scandale pour déterminer une crise de Cabinet : mais cet intérêt n'est pas non plus d'étouffer, pour les laisser sans châtiment, des prévarications menaçantes pour l'ordre et pour le bien public.

 

L'impunité amène les rechutes : personnifiant nos intérêts nationaux, le Roi aura donc le plus grave intérêt à punir et à réprimer.

 

Il ne sera pas retenu par l'effroi d'un scandale qu'il pourra toujours éviter ou limiter. Il ne pourra non plus être arrêté, dans sa vigilance de tous les jours, par l'indifférence de l'opinion aux grands objets de politique nationale, car il se saura roi pour guider l'opinion et non pour la suivre, et pour l'éclairer, pour la corriger au besoin. Cet esprit de contrôle ne pourra s'endormir sur aucune routine. Il ne pourra non plus s'exercer sans sagesse, sans mesure, ni modération, ni égards.

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